L’heure de la rentrée a sonné, en musique

Il faudra peut-être un jour établir un classement des sonneries musicales les plus utilisées dans les écoles afin de jauger la popularité d’un morceau auprès des adolescents. De plus en plus de collèges et lycées remplacent leurs traditionnelles sonneries de début et fin de cours par des extraits musicaux. Une façon ludique et pédagogique de rythmer les journées des élèves.

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En juin dernier, alors que l’année scolaire touchait à sa fin, le traditionnel « dring » qui marquait les débuts et fins de cours au lycée Champollion de Figeac a été remplacé par une tonalité plus douce, une mélodie légèrement hip-hop que les amateurs de la série d’animation Ratz, actuellement diffusée sur Netflix, auront reconnue.
« Le choix des élèves, précise en souriant Audrey Teixido, CPE (Conseillère principale d’éducation) de l’établissement lot-et-garonnais. Ça n’a pas forcément plu à tous les enseignants, mais cela a été décidé de façon démocratique, par un vote incluant élèves et enseignants. Et étant donné qu’il y a plus d’élèves que d’enseignants… » Elle retient surtout de ce changement des points positifs. « C’est moderne, fédérateur, ça plaît aux élèves, qui se sentent impliqués, ça développe un sentiment d’appartenance au lycée. Cette sonnerie, on ne la trouve pas dans tous les établissements. »

Personnaliser ses sonneries

Ce qu’on trouve de plus en plus, ce sont des établissements scolaires optant pour des sonneries musicales personnalisées, souvent des extraits d’une dizaine de secondes de morceaux pop ; Ed Sheeran, Rosalia ou Lil Nas X rythmant désormais plus souvent la journée des élèves que les sonneries en bronze d’antan.
D’ailleurs, comme le note Audrey Teixido, « les élèves n’ont pas été surpris par ce dispositif. Le collège de Figeac l’avait déjà mis en place ». « Il y a un gros engouement pour ce type de sonneries », confirme Antoine Loizeau, chef de produit chez Bodet Time, entreprise cent cinquantenaire qui équipe en système de sonneries plus de dix mille établissements scolaires en France.

Une tendance née au milieu des années 2010, favorisée par l’arrivée du système Harmonys. « En 2008, on avait sorti Melodys, un produit pionnier qui permettait déjà de personnaliser les sonneries de son établissement, mais il fallait pour cela changer manuellement la carte SD de chaque haut-parleur. Il n’est pas rare qu’on ait des établissements scolaires avec trente, voire soixante diffuseurs sonores. Ça pouvait devenir vite fastidieux ! En 2014, on a lancé Harmonys, un produit qui fonctionne sur réseau informatique, beaucoup plus simple à utiliser. Avec le logiciel fourni pour piloter l’ensemble, on peut rentrer un morceau en MP3 et choisir l’extrait qu’on va jouer. »

Sécurité d’abord

Pourtant, comme le rappelle Antoine Loizeau, souvent, ce n’est pas cette fonctionnalité qui amène les établissements à s’équiper de ce système. « C’est généralement l’aspect sécurité qui les motive. Notre produit permet en effet de diffuser des appels micro, des alertes PPMS (Plan particulier de mise en sûreté, ndr) et de donner des instructions précises par bâtiment. Il y a ainsi eu une forte demande après les attentats de 2015. » C’est aussi cette raison qui a poussé le lycée Champollion de Figeac à changer son système de sonnerie.
« Il nous fallait un appareil qui permette de faire du PPMS, explique Audrey Teixido, avec des micros et des sonneries spécifiques pour chaque exercice. L’appareil ayant aussi ce côté ludique, ça a été évidemment l’occasion de passer aux sonneries musicales personnalisées et de faire plaisir aux élèves. Ils aiment l’idée de pouvoir choisir. Même si, eux, ils aimeraient changer tout le temps de sonnerie ! »

Pour l’heure, la CPE du lycée indique qu’il est prévu de la renouveler deux fois entre chaque période de vacances. « On est un gros établissement, ça demande du temps. Il faut organiser un vote pour le choix du morceau, que le service technique fasse des tests pour régler le volume. Avec le vent, on résonne vite dans la ville, et étant donné qu’on a un internat, on est à vingt-neuf sonneries par jour. »

Ailleurs, le rythme peut être plus soutenu, comme a pu le remarquer Antoine Loizeau. « Certains établissements la remplacent tous les mois, toutes les semaines. On a même eu un cas un peu extrême, où il y avait un haut-parleur par salle de classe, avec une mélodie différente pour chacune d’entre elles ! Je suppose que ça aide à mieux supporter le début des cours. La fin des cours, on les supporte toujours bien ! »

L’identité sonore du lycée

Pour certains établissements, ce type de sonnerie peut également avoir des vertus pédagogiques. Professeure de musique au lycée Aubanel, à Avignon, Odile Sick-Plantevin a pu l’expérimenter depuis 2013. « C’était une initiative des élèves. Ils trouvaient la sonnerie lamentable et comme on est un lycée avec une section musique, ils souhaitaient une sonnerie musicale. Je leur ai dit oui, à condition qu’on ne diffuse rien de préenregistré. À nous de fabriquer la sonnerie. Cela peut être des reprises, des arrangements, des créations, l’idée étant que ce soit interprété par les élèves. Dès le départ, on s’est fixé l’objectif de produire une sonnerie de 15-20 secondes par semaine. »

Un cap auquel elle s’est tenue depuis presque dix ans, intégrant la création de sonneries à ses cours. « Ça nous prend une heure par semaine, détaille-t-elle. Au début, j’enregistrais les élèves sur mon téléphone portable, puis je suis passée à l’enregistreur numérique, et maintenant j’ai mis en place, à côté de ma salle, dans ma réserve, un studio d’enregistrement. Selon les groupes d’élèves à disposition, on arrange parfois les morceaux différemment. On n’a pas toujours les mêmes instruments ou voix que la version originale, et ça donne parfois des versions plus riches. »

Classique, jazz, rock, R&B, reggae, musique de film, les styles sont variés, comme on peut le constater sur le site du lycée, où sont mises en ligne toutes les sonneries créées par les élèves. « C’est le but. On s’adapte aussi aux évènements. La semaine avant Noël, c’est une sonnerie par jour, la semaine de la journée de la femme aussi. Lorsque survient le décès d’un musicien célèbre, ou la sortie d’un film évènement, on essaie de faire une sonnerie spéciale. » Elle n’y voit que des avantages. « Tous les gens qui viennent ici trouvent ça bien. Ça amène une couleur supplémentaire au lycée. On croise des élèves qui fredonnent la musique, ils en parlent en classe. Je pense que ça crée une ambiance différente. Et si une musique ne plaît pas, elle n’est là que pour une semaine. Ça fait partie de l’identité de notre lycée, maintenant. »

Odile Sick-Plantevin n’imagine pas un retour en arrière. Antoine Loizeau non plus. S’il note que l’on trouve encore des écoles équipées en sonnerie de bronze, « l’horloge mère Bodet, comme on dit chez nous », il n’a jamais entendu parler d’un établissement qui aurait renoncé à une sonnerie musicale pour revenir à une tonalité stridente.

Gérôme Darmendrail

Publié le 20 septembre 2022