Le Fipadoc de Biarritz, épicentre du film documentaire

En cinq éditions, le FIPADOC de Biarritz est devenu le passage obligé du documentaire de création. Les films consacrés à la musique y ont toute leur place, ainsi que les jeunes compositeurs mis face aux professionnels.

Christine Camdessus©Fipadoc

Le FIPADOC le Festival du film documentaire de Biarritz qui se tient jusqu’au 28 janvier, explore les fondamentaux et les arcanes du film documentaire. Éclectiques par les sujets abordés et par leurs modes de traitement, les 177 films retenus dans la programmation du festival biarrot balaient la richesse d’un genre en mouvement.

« En trente ans, le monde de l’image a considérablement bougé », selon Christine Camdessus, déléguée générale du FIPADOC. Ainsi, en 2019, le FIPADOC a-t-il pris le relais du FIPA, Festival international de programmes audiovisuels. Essentiellement axé sur la télévision, le FIPA, créé en 1987 à Cannes avant déménagement à Biarritz en 1996, s’était essoufflé.

Pour le reformuler, on fait appel à Anne Georget, journaliste, documentariste, militante de longue date pour les droits des « auteurs du réel », notamment au sein de la Société de gestion des droits d’auteur (SCAM) dont elle fut la présidente de 2015 à 2017. Le festival se recentre sur le seul documentaire « sous toutes ses formes et sans se soucier de savoir sur quel écran on peut le voir », selon Christine Camdessus. Plateformes, télévision, cinéma, podcast, mais aussi web-séries, réalité virtuelle ou augmentée, présentées dans la section Smart, regroupant des expériences numériques.

UN FESTIVAL INTERNATIONAL À L’ANCRAGE LOCAL

En cinq éditions, le FIPADOC a imposé à la ville basque une expérience festivalière et festive, avec public et professionnels, rassemblés autour d’une compétition internationale, « où tout le spectre du documentaire est abordé », poursuit la déléguée générale. Soucieux de son ancrage dans la ville par la diversité des lieux de projection (Auditorium Bellevue, casino, cinémas, Gare du Midi …), le FIPADOC propose « des films sous-titrés en basque, et ne s’interdit pas de coller aux événements, gastronomie, rugby… ».

Le FIPADOC attribue des grands prix (international et national notamment), et a créé des catégories significatives, telles que « Impact » (pour des films traitant de la justice sociale, des droits humains et de l’environnement) « Histoires d’Europe » ou « Jeune création » ... ou encore la catégorie « Documentaire musical », soutenue par la Sacem. « Outre ses qualités formelles, nous aimons qu’un film montre le goût, l’amour pour la musique », explique Christine Camdessus, fondatrice de la société de production documentaire Alegria Productions. « Nous sommes attentifs à la diversité des choix, des différents types de musique, en incluant les films consacrés à la danse. Une sélection, c’est comme un bouquet, avec sa diversité de fleurs qui s’accordent ».

Le film lauréat en 2021, diffusé sur Arte l’année suivante, Sisters with Transistors de l’américaine Lisa Rovner racontait (par la voix de Laurie Anderson) l’amnésie collective qui frappe les pionnières des musiques électroniques et concrètes. Vainqueur en 2022, Paraiso (le Paradis) du réalisateur brésilien Sergio Tréfaut mettait en lumière des amoureux de musique populaire, tous très âgés, venant chanter des sambas, des choros, des marchas, dans les jardins de l’ancien palais présidentiel du Catete à Rio de Janeiro. « Sans doute grâce à son passage au FIPADOC, Paraiso a été ensuite diffusé au cinéma », remarque Chritine Camdessus, qui revendique également la diversité de profil du jury de la catégorie : pour 2023, la réalisatrice Chloé Perlemuter, réalisatrice, Jean-François Heisser, directeur artistique du Festival -Académie Ravel, et Uldis Cekulis, producteur en Lettonie.

UNE SÉLECTION PLURIELLE

Les treize films sélectionnés pour cette cinquième édition du FIPADOC couvrent des styles « et posent tous des questions de fond », politiques, historiques, artistiques, précise Christine Camdessus. Ils dressent pour certains des portraits de musiciennes exceptionnelles, allant de la bossa-nova (Miucha, The Voice of bossa nova, de Liliane Mutti et Daniel Zarvos), au Cap-Vert (Cesària Evora, de Ana Sofia Fonseca), en passant par le rock (Nothing Compares ou l’histoire de Sinead O’Connor contée par l’Irlandaise Kathryn Ferguson). La danse n’y est pas oubliée (Dancing Pina, hommage chorégraphique à Pina Bausch rendu par l’Allemand Florian Heinzen-Ziob), ni la musique classique, (Zahia, a step ahead, d’Emilie Therond et Antonin Boutinard Rouelle, portrait de la cheffe Zahia Ziouani, qui travaille avec des amateurs et des jeunes de banlieue, ou encore Igor Levit –No fear, consacré au pianiste russe par l’Allemande Regina Schilling).

La musique est essentielle à l’image. Elle n’est pas qu’habillage, elle s’imbrique à l’esthétique du documentaire de création. Dans l’élégante station balnéaire du pays basque, elle se joue aussi en direct. Pour sa soirée d’ouverture le 20 janvier, le FIPADOC 2023 a choisi un ciné-concert, organisé en partenariat avec la Sacem, à partir du film 29 173 NM – la mesure du tour du monde à la voile en mille nautiques. Deux réalisateurs, Romain de La Haye-Serafini et Vincent Bonnemazou ont travaillé avec le skipper Thomas Ruyant, qui a mis au point lors de la course Vendée Globe un dispositif de captation d’images et de sons imaginé par l’artiste Molécule, venu mixé en direct à Biarritz. Axe important du FIPADOC, « les sessions de pitch », présentation de projets de documentaires aux professionnels. Dans cet esprit, le dispositif « Crescendo » accompagné par la Sacem permet à de jeunes compositeurs de présenter des musiques de leur composition, d’expliquer leurs choix de composition et de partager leur parcours.

Publié le 25 janvier 2023