Partenaire de la Sacem, les Vieilles Charrues fêteront du 14 au 17 juillet leur 30ème anniversaire. Le grand rendez-vous populaire revient à son format initial, avec une programmation éclectique brassant le rap, la pop, le rock, l’électro et toujours sa touche de « bretonitude ». Avec un budget qui avoisine les 18 millions d’euros, 7 150 bénévoles, les « Charrues » sont un mastodonte. Son directeur, Jérôme Tréhorel, fait le point avant les festivités.
L’an passé, vous disiez vouloir réaliser les Vieilles Charrues coûte que coûte. C’est ce que vous avez fait. Comment abordez-vous cette 30e édition ? Et dans quel contexte ?
D’abord, c’est une joie de retrouver la forme traditionnelle du festival. A cause du Covid, cela fait trois étés que l’on n’a pas entendu vibrer le site des Vieilles Charrues avec près de 300 000 personnes sur quatre jours et près de 80 artistes qui se succèdent sur les quatre scènes du festival.
Ces derniers mois n’ont pas été forcément faciles. Cette année on craignait les pénuries et l’inflation dans un contexte de reprise mondiale. L’inflation peut mettre en risque l’équilibre financier des festivals parce qu’on peut avoir des augmentations entre 20 % et 40 %. Pour les engins de levage, les tentes, les chapiteaux, le matériel scénique (son, lumières…) et le personnel, cela a été la course pour trouver des solutions.
L’autre inquiétude était le comportement du public. On savait qu’il y avait une reprise plutôt timide dans le secteur du live. Festival 100 % associatif et sans subventions, les Vieilles Charrues vivent grâce au public et aux partenaires. Avec l’augmentation des cachets, des coûts pour la sécurité et la production, on est obligé de vendre les billets à hauteur de 90 % ou 95 % de la jauge pour équilibrer les comptes. Ce qui est une prise de risque considérable...
Le public a réagi très vite au moment de rouvrir la billetterie. C’est une grande satisfaction de voir qu’on a envie de revivre les Vieilles Charrues et de célébrer ces trente ans avec nous !
La programmation de l’an passé était plutôt franco-française. J’ai l’impression que cette année, cette tendance reste avec des têtes d’affiches comme M, Orelsan, Clara Luciani et des francophones comme Stromae ou Angèle.
On n’a que quatre jours dans l’année à proposer aux groupes pour venir jouer aux Vieilles Charrues. On construit les programmations un an à l’avance. Cela se fait en fonction des artistes qui sont sur la route. En juillet dernier, des pays avaient encore des restrictions très lourdes sur les déplacements, les vols et l’accès à certains territoires. Beaucoup de productions étrangères ne se sont pas engagées.
Une fois que la situation sanitaire s’est largement améliorée, de très gros artistes ont fait le choix de se produire dans des stades. Or, les tournées de stades ne sont pas compatibles avec les tournées de festivals en termes de logistique.
En France, des artistes qui étaient des découvertes et des « middle » sont devenus de vraies têtes d’affiches. On a une scène qui produit beaucoup de nouveaux talents et cela s’est peut-être accéléré avec la crise.
Les Vieilles Charrues sont le plus important festival de Bretagne. Quel rôle pensez-vous avoir pour cette région et pour Carhaix ?
On n’a pas la prétention de se donner un rôle ! Les Vieilles Charrues existent depuis 30 ans avec un projet de départ qui était de faire rêver les gens. A l’époque, il y avait beaucoup moins de tournées. Les artistes s’arrêtaient dans quelques villes de province et pour la Bretagne, ça se résumait à Rennes, Nantes et un peu à Brest. Il y avait une vraie démarche à faire pour aller voir un spectacle et c’était un budget conséquent.
Notre idée, c’était de montrer qu’il y avait un territoire avec des forces vives. Le Centre Bretagne était en perte de vitesse parce qu’il n’y avait pas d’école pour faire des études supérieures. Les jeunes partaient et ne revenaient pas parce qu’il n’y avait pas de boulot. Faire d’une fête entre amis l’un des plus grands festivals de France et puis, l’un des plus grands d’Europe, c’est un tour de force improbable.
Quels moments retenez-vous de ces trente années de festival ?
Il y a une actualité un peu triste avec la disparition d’Andrew Fletcher. En 2018, on a accueilli Depeche Mode : c’était un grand moment. Même si on a eu d’autres grandes stars comme The Cure ou Bruce Springsteen, avoir Depeche Mode qui vient jouer chez nous, c’était inimaginable !
En 2016, on fêtait nos 25 ans. C’était l’édition après les attentats du Bataclan. Dès le premier soir, il y a eu l’attentat de Nice. La question se pose alors de continuer, ce qu’on a fait. A un moment, on a sollicité le public pour un hommage. La minute de silence a été rompue par un bruit. On se demande alors ce qui se passe et on se rend compte que le public entonne la Marseillaise. Vingt secondes plus tard, 70 000 personnes chantent la Marseillaise pour crier leur liberté. Durant tout le festival, des artistes ont rendu hommage aux victimes des attentats. A chaque fois, le public a répondu avec la Marseillaise.
Un dernier souvenir avec l’un de nos chouchous, Matthieu Chedid, qui est venu six fois. En 2013, on venait de perdre l’un de nos co-présidents et co-programmateurs, Jean-Philippe Quignon. On est tous montés sur scène et Matthieu a dédié un morceau à Jean-Philippe. C’était un moment de communion très fort avec le public !
Bastien Brun
Publié le 21 juin 2022