Sur la péniche la Pop à Paris, la création continue

Février 2021

Sur le bassin de la Villette à Paris, la péniche La Pop accompagne la création de spectacles qui mettent le son au centre des réflexions. Elle met un point d’honneur à continuer d’accueillir les artistes et à les accompagner dans leur processus de création malgré la crise.

 

Après la fermeture brutale du mois de mars 2020, la Pop n’a pas cessé d’accueillir des artistes. « On n’a pas chômé » raconte Olivier Michel, son directeur. Il définit cette péniche, située sur le bassin de la Villette à Paris, comme « un lieu de premières, de création et d’accompagnement des artistes ». Elle a ouvert en 2016. « Notre projet est de questionner le son et la musique » explique Olivier Michel. Conférences, performances, théâtre, danse et musique, quelle que soit la forme, le son est mis au cœur du spectacle. 

©Marikel Lahana

L’année des répétitions

Ce jour-là, dans la petite salle noire aux fauteuils rouges, dans l’antre du bateau, Romain Pageard, Emma Liégeois et Éléonore Auzou-Connes travaillent de conserve à la réalisation de leur deuxième spectacle. Depuis dix jours, ils sont en résidence à la Pop. Par sessions de deux semaines de résidence, ils mettent en scène « Opus 2 », dont le titre est provisoire, avec Nico Sauer, un compositeur allemand. « L’idée de ce spectacle est de partitionner et rendre musical un moment de la vie quotidienne : ici, le petit-déjeuner », explique Éléonore Auzou-Connes.

La Pop en est le producteur délégué. « Nous sommes producteurs délégués pour les artistes qui ne sont pas structurés en compagnie » explique le directeur de la péniche, « nous sommes aussi souvent en co-production. » En général, les artistes en résidence font leurs trois premières représentations à la Pop. La première d’« Opus 2 » est prévue en novembre au Théâtre de Montreuil. « Il arrive que les spectacles que nous accueillons en résidence soient produits dans d’autres lieux, détaille Olivier Michel, mais ça ne nous dérange pas. Notre rôle est avant tout d’accompagner les artistes dans leur processus de création. »

« C’était l’année pour faire des répétitions » ; au milieu du matériel de scénographie, Romain Pageard revient sur ces derniers mois. Tous leurs autres engagements ont été annulés. « Pour cette création, il n’y a pas eu d’interruptions, abonde Éléonore Auzou-Connes, toutes nos résidences ont pu se tenir ». En mars, surprise par le confinement, la troupe a dû rester au théâtre de Gap. Elle y a passé un mois et demi. C’est là qu’a vraiment commencé la création de ce nouveau spectacle.

©Marikel Lahana

Pouvoir se projeter

Cette année, la Pop accueille treize spectacles en création, dix performances, une installation et des conférences, les Pop Conf’, qui ont pour objet de questionner un objet musical en faisant intervenir artistes et chercheurs. D’habitude, la péniche tourne autour de quinze productions déléguées et six à huit coproductions. Les créations de 2020 ont toutes été reportées en 2021. Face à cet « effet bouchon », Olivier Michel reste optimiste et pense que « le public sera au rendez-vous ». Mais pour lui, cette saison qui s’annonce très dense « pose des questions sur la possibilité de mettre en place d’autres spectacles ».

Cette situation impacte tous les acteurs mais pèse sur les artistes qui souffrent avant tout d’une « absence de perspective » selon le directeur de la péniche. « Il y a comme une chape de plomb, devant cette absence de date de réouverture, les lieux n’osent pas s’engager. C’est important pour nous de continuer à prendre des engagements vis-à-vis des artistes, à soutenir la création. C’est rassurant pour eux, particulièrement pour les artistes émergents » poursuit-il.  L’établissement ne dépend pas de la billetterie pour ses revenus et ses subventions ont toutes été maintenues. « Cela nous permet de tenir le rythme de nos engagements pour l’instant » explique-t-il. 

Même si l’objet principal de la Pop n’est pas d’être un lieu de représentations, la question de l’absence de public se pose avec plus d’acuité à mesure que le temps passe. « On a la chance d’avoir un public plutôt jeune, bienveillant. Notre petite jauge permet aux artistes de prendre des risques, c’est moins intimidant. Il y a une vraie qualité d’écoute » estime le directeur de l’établissement, « la Pop a un côté laboratoire. Ce retour du public est fondamental pour les jeunes créations qu’on accueille ». Il regrette ce « vase clos » contraint par la situation sanitaire. 

©Marikel Lahana

Garder le lien avec les écoles

C’est dans cette optique de lien avec l’extérieur que la Pop a aussi maintenu ses actions culturelles vers les publics scolaires. Les ateliers avec des classes Ulis et Segpa de collège ont pu avoir lieu « sauf dans certains établissements, où les directeurs ont considéré que c’était trop compliqué » raconte Olivier Michel. Accompagnés par des artistes, les collégiens réalisent des créations sonores thématiques. Cette année le thème était celui des hymnes musicaux. « D’habitude, nous organisons des sorties avec des établissements comme la Philharmonie, mais évidemment, tout cela est annulé » poursuit-il. 

Les ateliers dans les lycées et les écoles primaires se sont également poursuivis. Lorsque cela est possible, l’équipe de la Pop essaie de les faire venir sur la péniche pour présenter leurs créations et réaliser des ateliers. « Certains profs nous ont fait des retours très positifs sur le niveau de concentration auquel parvenaient les élèves. Ça a été leur seule sortie de l’année » relate le directeur. Il explique que la Pop milite pour que l’ouverture aux jeunes « prenne une dimension plus forte et réfléchit à monter des représentations pour les étudiants. » 

Philippine Donnelly

 

Publié le 23 février 2021