Christophe Goret, directeur du centre outlet McArthurGlen de Roubaix

Le directeur du village de marques McArthurGlen Roubaix nous explique pourquoi le modèle de distribution de ce designer outlet résiste en temps de crise : : « Notre modèle de distribution nous préserve ».

Au Nord, c’était les corons ; à Roubaix les filatures et tissages. Au-delà des clichés, « la ville aux mille cheminées » a su régénérer son patrimoine industriel en imposant plusieurs destinations commerciales de choix parmi lesquelles L’Usine et McArthurGlen.

Village de marques inauguré en 1999, le centre commercial à ciel ouvert est devenu, comme les autres sites de Provence et Troyes, un temple du shopping premium. Situé en plein cœur de ville, ce circuit de distribution écoule les invendus des plus de quatre-vingt marques présentes. Des produits ayant au minimum une saison d’antériorité et vendus entre 30 et 70 % du prix conseillé de l’époque.

Ayant à cœur de « valoriser la destination roubaisienne outlet », son directeur Christophe Goret, par ailleurs président de l’office de tourisme de la ville, décline quelques raisons pour lesquelles le modèle de McArthurGlen résiste bien à la concurrence aux assauts des nouvelles tendances : commerce en ligne, seconde main… Il nous parle notamment de l’expérience client et de la musique, comme moyen de résister au e-commerce et aux autres vents contraires. Entretien.

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Quel est le rôle de la musique et du design sonore chez McArthurGlen Roubaix ?

Pour moi, la musique est aussi importante que l’éclairage ou la qualité des concepts de magasins. L’idée est de s’éloigner des charts, des radios généralistes. On fonctionne par playlists, avec des morceaux que seuls les initiés peuvent connaître, et par ambiances. A Noël, on demande à notre prestataire Canal Music une playlist cocooning, chaleureuse ; pendant les soldes, c’est plus dynamique, electro. Les rythmes varient aussi au cours de la journée : un carillon d’église sonne à 9h30. Aux heures du repas, le rythme s’accélère. A 18h45 on sent que la tension redescend pour accompagner la sortie des derniers clients.

Quel bilan tirez-vous du démarrage des soldes d’hiver qui s’achèvent le 8 février ?

Les résultats sont meilleurs qu’attendu. Sur les cinq premiers jours, le trafic augmente en moyenne de 20% par rapport 2020 – période marquée par un couvre-feu à 18 heures – et diminue de ‘‘seulement’’ 5% par rapport à 2019. Au final, même si elles ont perdu en intensité, les soldes restent nos moments les plus forts, devant la braderie. C’est le signe que les gens reviennent à leurs habitudes.

Quel dispositif mettez-vous en place, au moment où le pays traverse une cinquième vague épidémique sans précédent ?

Tous les mois, nous mesurons la qualité de service dans le centre. Le point positif ressortant le plus reste la sécurité. Cela inclut à la fois le dispositif classique (les maîtres-chiens…) et la visibilité des protocoles sanitaires. Si les gestes barrières de base sont restés (gel hydro-alcoolique…), nous n’avons plus de jauge imposée dans les magasins et le centre.

Le e-commerce vous inquiète-t-il ?

La pandémie a, certes, accéléré la transition vers le numérique mais notre business model résiste bien vis-à-vis des commerces de centre-ville et centres commerciaux traditionnels. Si l’on est préservé, c’est que dans l’esprit des gens on est une destination de bons plans toute l’année. Ne sous-estimons pas non plus l’aspect expérience-client, le rapport humain, le plaisir dont la musique fait justement partie.  Même si 10 à 20% du chiffre d’affaire des grandes marques avec qui nous travaillons est réalisé sur le web, le top 10 de nos marques a fait mieux cette année qu’en 2019. Le numérique peut par ailleurs constituer un atout : l’année dernière, nous sommes passés à une communication 100% digitale. Cela a rajeuni notre clientèle, en attirant notamment des influenceurs. 

Quelle est la typologie de votre clientèle ?

Nous sommes clairement une destination régionale. Notre clientèle est à 70% Française et vient principalement de la métropole lilloise (y compris 2% d’étrangers venus y travailler), et à 30% Belge. Attirer ces derniers représente d’ailleurs un objectif commercial, leur pouvoir d’achat étant supérieur à celui de la métropole.

Avec un taux de pauvreté dépassant les 40% (voir l’enquête Insee 2019), Roubaix reste l’une des villes les plus pauvres de France. Les plus modestes passent-ils les grilles de McArthurGlen ?

Les extrêmes s’y côtoient, c’est la réalité de Roubaix. Si nous enregistrons cinq millions de passants par an dans nos rues, il est vrai que, pour l’immense majorité des 1,7 millions d’acheteurs annuels, ils viennent en voiture, passent trois heures dans le centre et ressortent sans avoir aucune interaction avec la ville.

Dans quelle mesure la tendance du ‘‘acheter moins mais mieux’’  vous impacte-t-elle ?

Là aussi, notre modèle de distribution nous préserve. Et n’empêche pas de s’adapter. Nous avons récemment ouvert une friperie sous forme de pop-up store (magasin éphémère), en partenariat avec l’association roubaisienne Amitié Partage. Etonnamment, les résultats sont comparables à ceux de boutiques implantées depuis dix ans ! On réfléchit donc à pérenniser ce type de point de vente.

Thom Clozer

Publié le 26 janvier 2022