Ils sillonnent les rues de Paris, échangent avec les gérants et les riverains, et travaillent à apaiser les tensions entre les deux. Depuis 2011, les Pierrots de la Nuit misent sur la médiation artistique pour que la fête continue sans faire trop de bruit.
Une troupe de danseurs silencieux, un DJ qui mixe au casque, une médiatrice qui engage la discussion avec un patron de bar. Depuis 2011, les Pierrots de la Nuit inventent une autre façon de vivre la nuit à Paris. Pas question ici de contrôle ni de sanction, mais de dialogue et d’imagination. « Nous avons imaginé ce dispositif pionnier, qui mêle action artistique et médiation, pour que les établissements puissent continuer à faire vivre la nuit, tout en réduisant les tensions avec le voisinage », explique Frantz Steinbach, cofondateur et trésorier de l’Association de Médiation pour un Usage Optimal de la Nuit (AMUON).
Né des États généraux de la nuit, le projet repose sur deux piliers : un accompagnement de jour des lieux de diffusion et des interventions artistiques nocturnes lors de onze week-ends clés dans l’année (fête de la musique, jours fériés…). Les performances artistiques prennent la forme de parcours urbains ou de happenings sonores — parfois en « silent party » — qui captent l’attention avant de déclencher la conversation. « L’artistique est une porte d’entrée. Après la performance, nos médiatrices sensibilisent les clients et dialoguent avec les gérants. »
Les Pierrots de la Nuit agissent aussi en amont : à la suite d’un signalement, venant d’ailleurs plus souvent des gérants que des riverains, les équipes enquêtent, organisent des réunions tripartites, et assurent un suivi sur plusieurs mois. En 2024, 484 établissements ont été accompagnés dans Paris, dont 137 ont fait l’objet d’opérations nocturnes. « On écoute, on met autour de la table : gérants, riverains et pouvoirs publics, pour trouver un point d’équilibre en donnant des conseils pratiques. » Résultat : un taux de réussite de 96%, et plus de 2 500 établissements aidés depuis la création du projet.
À l’heure où est débattue la politique nocturne, l’association répond par l’exemple : créer du lien, apaiser sans interdire, préférer la médiation à la répression. Les Pierrots, en toute neutralité, jouent les traducteurs entre les diffuseurs et les institutions, comme la Sacem, partenaire de longue date, avec un objectif clair : préserver les lieux où la musique s’écoute, se joue, se danse. « On veut que la musique ne soit pas perçue comme une nuisance, mais comme une chance », conclut Frantz Steinbach.
Publié le 03 juillet 2025