Le trio strasbourgeois a sorti début février son premier EP, « Room to breathe » Entre hip hop, trap, électro et rock, le groupe fait rimer plusieurs identités musicales et livre sa propre lecture du monde.
25 mai 2020. George Floyd, un Afro-américain de 46 ans meurt à Minneapolis, immobilisé sous le genou d’un policier blanc. Plusieurs fois, l’homme va répéter : « Je ne peux pas respirer ». La scène, qui a été filmée, va rapidement faire le tour des réseaux sociaux et susciter l’indignation dans tout le pays. Trois mots, « I can’t breathe » (« je ne peux pas respirer », ndlr) vont devenir le cri de ralliement du mouvement Black Lives Matter.
Une semaine après le drame de Minneapolis, à l’autre bout de l’Atlantique, Eli Finberg commence à écrire sept, huit couplets. Ils deviendront « Nation of the people », l’un des quatre titres du premier EP de Goldencut, « Room To Breathe », sorti en février dernier. Né à New York, le chanteur - plutôt MC - passe en revue l’histoire des injustices raciales aux États-Unis, de l’esclavage au mouvement des droits civiques. Le single est sorti en janvier, lors du Martin Luther King Day. « C’est Public Enemy qui rencontre Rage Against The Machine », peut-on lire sur le site internet du groupe, pour décrire le morceau. Une description qui colle parfaitement à l’univers de Goldencut, subtil mélange de hip hop, rock, électro…

Nombre d’Or
Le trio, composé de Adam Lanfrey, aux machines et à la basse, de Geoffroy « Geo » Sourp à la batterie et d’Eli Finberg au chant, se connaît bien. Les trois hommes ont évolué et évoluent encore dans des projets communs : Eli et Geoffroy au sein du groupe Art District, Adam et Geoffroy au sein de Dirty Deep. « On se connaît musicalement très bien », sourit Eli. « Adam et Geo sont deux beatmaker très forts. On peut aller partout », ajoute-t-il. Comme une forme de logique à ce que Goldencut voit le jour. D’ailleurs, en anglais, « goldencut » fait référence au nombre d’or. Un clin d’oeil à la beauté du monde, et pour faite vite, une allusion aux proportions géométriques idéales. « Le trio est une forme géométrique très stable », estime le chanteur. « On peut avancer vite, car je bénéfice d’avis de deux amis, de deux retours possibles sur ce que j’écris », poursuit-il. « Le nom du groupe fait aussi référence au sens de l’invisible, à ce qu’on ne comprend pas forcément tout de suite. Mes paroles sont très introspectives. Guérir de ses blessures, parler du passé colonial américain… Il faut d’abord purger, nettoyer avant d’aller vers la lumière », considère Eli. Le MC qui vit à Strasbourg depuis 2005 a cette façon très rythmée de faire rouler son accent américain dans un flow similaire au spoken word (forme de poésie parlée). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Eli avait fait relire « Nation of the people » à son prof de poésie, aux États-Unis.
Dans Addict, Goldencut plonge dans les noirceurs des addictions et des dangereuses accoutumances aux drogues, à l’alcool, mais aussi aux écrans. Un autre exercice d’écriture pour Eli qui s’est inspiré de témoignages : « J’ai sondé beaucoup de personnes autour de moi qui ont eu des addictions. Le champ lexical du morceau vient de là. Il y a eu cet échange avec un rappeur américain dont le frère avait souffert de fortes dépendances. Il m’a dit que c’était la première fois qu’il entendait un morceau aussi proche de ce qu’il avait traversé. Il fallait être sans jugement et se mettre dans la peau des personnes qui en souffrent », explique-t-il.
En résulte plus de trois minutes d’un morceau sombre et dont la mise en image est une expérience immersive signée David Heitzmann. Le MC promet : le clip du prochain single, « Pentagram », qui sortira le 17 juin, sera « plus lumineux ». On repense à l’équilibre entre ombre et lumière construit par Goldencut sur leur premier EP, des morceaux sombres et d’autres plus positifs. « Purger, avant d’aller vers la lumière », disait Eli.
Après avoir eu les honneurs de la presse locale, Goldencut a également été diffusé sur France Inter et sur les 35 radios indépendantes du réseau Ferarock. Le groupe multiplie aussi les scènes et se produira le 21 mai au Nancy Jazz Kraft et le 2 juin à la Grenze, à Strasbourg, avant d’enchaîner sur les scènes de la capitale en septembre.
Ophélie Gobinet
Publié le 16 mai 2022