La lilloise Oaio met le folk dans tous ses états

Janvier 2024

Avec ses chansons colorées par le folklore argentin, l’autrice-compositrice-interprète Oaio résiste aux tendances et aux normes. Le 31 janvier, la Lilloise d’adoption se produira sur la scène du Grand Mix, à Tourcoing, en première partie de Clara Ysé.

Plus jeune, Leslie Ohayon voulait changer le monde. Pas (encore) avec des chansons. Plutôt grâce à la politique. Admise à Sciences Po Lille à 16 ans, elle quitte Lyon avec un plan de carrière : « travailler à l’Union européenne et faire l’Europe fédérale ». Rien que ça. Elle s’oriente finalement vers un choix « plus terre-à-terre » : les politiques territoriales et le développement durable. Trois ans après, une parenthèse « fondatrice » d’un an en Argentine s’ouvre – elle ne s’est jamais vraiment refermée. Jusqu’ici le chant et la composition n’était qu’un hobby adolescent : « en fin de soirée, je prenais la guitare et chantais des reprises de Dylan, Coldplay ou Carla Bruni mais pour la première fois ça m’a valu d’être programmée dans des bars ». Happée par la música popular, l’étudiante se lance plus sérieusement dans la musique.

©Marianne Heele

ONZIÈME COMMANDEMENT

De retour dans le Nord, elle mûrit un seule en scène, sans pour autant s’imaginer en haut de l’affiche. « Dans ma famille, la musique n’est pas un métier », justifie-t-elle. De génération en génération, se transmet un onzième commandement : « tu feras de hautes études et sécuriseras ta position sociale ». Bénévolat au Grand Mix (Tourcoing), première tournée en Slovénie et Croatie avec le Madrigal de Lille… Leslie Ohayon désobéit, faisant tout pour se faire une place dans le milieu et affine ses premières compositions, d’abord en anglais et en espagnol. En parallèle, elle devient prof de chant et cheffe de chœur – en 2018, elle coanime une Fabrique à chansons Sacem dans une école tourquennoise. Oaio est née.

ITINÉRANCE

C’est dans l’itinérance qu’Oaio trace son sillon. En 2018, troquant les clés de son appartement contre celles d’un camion, elle se déleste de toutes ses affaires pour partir vivre dans le Lot. « C’est là qu’un truc s’est débloqué : j’ai commencé à écrire en français et depuis je ne veux plus le faire dans une autre langue. » Le premier album d’Oaio, Bizarre Monde, sort fin 2022 sur le label Acoustic Kitty et tourne vite sur la playlist de FIP. L’objet est une tour de Babel où les instruments acoustiques sont utilisés à contre-emploi, où les mélodies floutent les modes mineur et majeur, où la voix s’imprime comme une ligne claire sur ses arpèges.

PAS UNE PURISTE

« Je n’ai pas envie d’être puriste, de copier les musiques traditionnelles mais de faire de l’appropriation culturelle véritable, s’amuse la musicienne de 38 ans qui rapproche sa démarche de celle d’un Bernard Lavilliers. En fait, en écoutant Oaio, les gens écoutent inconsciemment du folklore argentin. » Et au diable les critiques lui reprochant son éclectisme, d’être trop ceci ou pas assez moderne. Féministe, Oaio fustige le mansplaining, parle haut et fort, sans s’excuser de prendre sa place. Et compte sur la féminisation de la filière pour qu’on écoute mieux les artistes. Un souvenir : « en décembre 2022, pour la release party de Bizarre Monde à Lille, j’avais monté une chorale de mecs dans le public pour la chanson Fort qui parle de réconciliation avec la partie masculine du jugement intérieur. Moi qui voulais faire émerger un projet politique de paix, là ça c’est matérialisé ». Oaio n’a peut-être pas changé le monde mais elle a changé le sien.

EN SAVOIR PLUS :

Clip Bizarre Monde réalisé par le duo d’artistes lilloises Kiki Bronx à Malo-les-Bains

Clip Bonbon réalisé par Kiki Bronx

La Fabrique à chansons 2018 présente Moi en Mieux, école Lavoisier à Tourcoing

Publié le 19 janvier 2024