Selia : « une époque pour réaffirmer le rôle de l’artiste dans la société »

Privée de concerts, de scène et de public, la chanteuse strasbourgeoise de « soul fusion » a effectué une résidence aux Dominicains de Haute-Alsace. Une manière de conjurer le sort en soignant la création scénique. Et l’occasion d’avancer sur son second EP.

Il y a, bien sûr, les difficultés inhérentes aux artistes qui tentent de survivre en temps de Covid. Mais Selia est de celles qui veulent voir le positif en toute situation. Surtout : la chanteuse strasbourgeoise se montre reconnaissante : « Je continue à donner des cours de chant, je travaille toujours aussi au sein des Gospel Kids et j’ai eu cette chance d’être en résidence ».
D’une durée de deux fois quatre jours (du 25 au 28 février et du 22 au 25 avril), la résidence s’est déroulée aux Dominicains de Haute-Alsace. Accompagnée de ses deux musiciens, Rémy Arenas (percussions et cajòn) et Christian Ott (guitare électrique et acoustique), l’artiste tout juste trentenaire travaille sur son second EP, « Rise ». En anglais, le mot signifie « briller », « s’élever » et pour Selia, il est surtout un travail d’introspection, un reflet de son parcours personnel. Dans le couvent des Dominicains, l’Alsacienne a confié trouver l’inspiration : « C’est un superbe équilibre entre le moderne et le solennel. Cette résidence nourrit les idées et les créations. On continue d’avancer ».

Délicat mélange entre jazz, gospel et hip hop, le projet ressemble à cette artiste à la fois spirituelle, engagée et groovy. La résidence va permettre au trio d’affiner la direction artistique et travailler les prochains concerts. « On ne peut pas se couper de cette dimension live », assure Selia. « On a le pouvoir de transformer un instant ou parfois la vie de quelqu’un. Les concerts, l’interaction avec le public, c’est un volet très cher à mon projet et à mon métier », explique-t-elle.
Pendant sa résidence, Selia est ainsi accompagnée d’un vidéaste, un metteur en scène et un sound designer qui remixera l’un de ses titres. Des rencontres, des remarques et des conseils qui s’échangent : les quelques jours passés aux Dominicains ont permis de faire évoluer « Rise ».

Premières parties de Tété, André Manoukian, L.E.J

Pour Selia, la musique est surtout une histoire de famille, une histoire de voix. Avant d’affirmer sa voix de mezzo, elle a fait ses premières armes dans les chœurs de gospel dirigés par son père, pasteur à Strasbourg.
Dès l’âge de 7 ans, elle l’accompagne sur scène puis intègre la chorale des High Rock Gospel Singers. Diplômée d’un Master en relations internationales, elle opère un virage professionnel et intègre le Département Jazz et Musiques du Conservatoire de Strasbourg.
En 2016, elle assure les premières parties de Tété, André Manoukian ainsi que du trio L.E.J à l’Olympia et lors de leur tournée dans le Grand Est. En 2015, elle sort son premier EP « Crossing Borders » et rejoint le tourneur Giro Music.  

Son second EP devait être livré en 2021. Mais la crise sanitaire en a décidé autrement. « On jongle entre cette chance de pouvoir travailler et cette frustration de ne pas savoir quand on pourra le présenter », lâche Selia. « Le travail en résidence est une forme de confinement choisi », sourit-elle.
Soudain, sa positivité laisse place à des interrogations et des incertitudes sur l’avenir. « On continue de créer, mais on ne sait pas quand on pourra présenter ce qu’on produit ici. On jongle constamment entre cette chance de pouvoir travailler et cette frustration de ne pas monter sur scène », poursuit-elle. « La crise a quand même eu un sacré impact sur la production du disque. La sortie de l’EP est retardée et c’est sans compter tout ce qu’il faut gérer au niveau de la communication. On avance à tâtons », analyse la chanteuse.

Malgré tous ces désagréments, l’artiste ne perd pas de vue tout l’amour qu’elle porte à son art. « Une part de moi est très frustrée et fatiguée de cette situation. Mais avec tout cela, dans mes nouvelles chansons je réaffirme encore plus ma vocation et mon rôle d’artiste dans la société ». «On a vraiment une puissance et un pouvoir, on peut faire passer des messages de manière plus douce qu’un homme ou qu’une femme politique. La musique ou une chanson peuvent changer le mode de vie des gens. C’est quand quelque chose nous manque qu’on se rend compte de son importance ».

Ophélie Gobinet

Publié le 27 avril 2021