Feu minéral : un gars, une fille et la chanson pop au sens noble

Une première partie de Gaëtan Roussel, un passage au Main Square Festival et la sortie fin septembre d’un premier album de french pop folk, Failles Conjuguées. À l’issue d’une année riche en premières fois, le duo Feu Minéral basé dans le Pas-de-Calais se raconte.

1er juillet 2023, Mainsquare Festival, Arras. Un gars / Une fille. Une guitare acoustique, une basse, un clavier et deux voix qui se conjuguent, à parité. Pour leur premier grand festival d’été, Anaïs Delmoitiez et Benoît Bourgeois se retrouvent sur la même affiche qu’Orelsan et Aya Nakamura. Coup d’envoi d’un été riche en toutes premières fois pour le duo, avant de s’envoler pour sa première date internationale en Pologne, devançant de quelques semaines la sortie d’un album autoproduit, Failles Conjuguées. « Un an plus tôt, on ne visait que trois ou quatre concerts en médiathèque, se souvient Anaïs Delmoitiez, quarante-et-un ans, calaisienne remarquée en 2022 à la sortie de son premier EP solo sous l’alias Jour. On n’avait pas idée du ‘‘bulldozer’’ que ça allait devenir. » Dans l'intervalle, Feu Minéral fait une cinquantaine de dates, surtout des scènes locales.

© Chloé Torey

TOTALE SYNCHRO

La rencontre à l’occasion d’un atelier d’écriture animé par Charles Souchon (Ours) à Bully-les-Mines, au printemps 2022, l’écriture, les concerts… Tout est donc allé vite. Une régénération pour Benoît, 44 ans, qui venait alors de finir d’éponger les dettes d’un deuxième « album solo covidé », Invisible, publié début 2020 : « j’étais prêt à ranger mes instruments pour de bon, Anaïs m’a sauvé. » Ensemble, ils apprennent à se connaître en écrivant des chansons par ordinateur interposé. « Le premier mois, ça a été une correspondance quotidienne en mode ping-pong, explique Anaïs. Benoît m’a envoyé la chanson 156702 pleine de blancs et j’ai bidouillé pour ajouter mes voix. On attendait qu’une chose : se répondre une fois nos enfants couchés. »

Horloges biologiques inversées – Anaïs dort la nuit, Benoît le jour – mais totale synchro : ouverture à la part de l’autre en soi et méthodes de travail analogues. « Je vois une nana travaillant sur des associations d’idées étalées au sol, des cartes mentales et je me dis : ‘‘c’est quoi cette extraterrestre qui bosse comme moi’’ ? ». Anaïs est musicienne, art-thérapeute, et enseignante. Cette année, l’autrice-compositrice a d’ailleurs coanimé une Fabrique à chanson, projet de création soutenus par la Sacem, pour les CM1-CM2 de l’école Les Flots, à Hames-Boucres, en partenariat avec le Channel scène national de Calais. Plusieurs vies, plusieurs voix, en simultané.

« RETOUR AU TOP 50 »

Anaïs et Benoît, ont des cultures musicales différentes qui se rejoignent tout de même sur un terrain commun « la musique de [leur] mère » : Berger, Balavoine, Goldman… « Un retour au Top 50 » assumé, à ces « monuments de la chanson française » revue et modernisée. Qu’en ont-ils gardé ? Les structures non traditionnelles mais aussi l’épure, l’efficacité et la poésie. Sans avoir peur de creuser les failles, d’être impudique.  

La scène a servi de révélateur : le duo réalise que partager leur intimité peut parler aux foules sentimentales. Comme ce soir d’octobre 2022 où ils sont invités, la veille pour le lendemain, à ouvrir pour Gaëtan Roussel à l’Aéronef, à Lille. « Ça tapait dans les mains, ça chantait, s’éclaire Benoît, et tout d’un coup, on faisait de la chanson populaire au sens noble. » Objectif atteint.
Car Feu Minéral ne répond à aucun plan de carrière. Le groupe comble deux urgences personnelles qui se font écho, sans chercher à plaire. Et si l’aventure devait s'arrêter ? Chacun retournerait à son projet solo, renforcé. « J’ai la sensation de ne plus avoir de montagne en face de moi, affirme Benoît. En reprenant mon solo, j’ai moins peur de me retrouver seul. »

Publié le 21 novembre 2023