Le Binic folks-blues festival, là où le rock indé est roi

28-30 juillet

Il n’avait pas eu lieu depuis l’été 2019, il fait maintenant son retour du 28 au 30 juillet. Dans la baie de Saint-Brieuc, le Binic Folks-Blues Festival célèbre le rock dans tous ses états. Loin des gros festivals, il revendique une certaine idée de la musique et un esprit “libertaire” qui puise largement dans la scène garage.

Se pencher sur la programmation du Binic Folks-Blues Festival, c’est accepter de ne rien connaître et ne pas avoir de noms d’artistes auxquels se raccrocher. « C’est normal ! », rassure Ludovic Lorre, son programmateur et directeur artistique de l’association organisatrice La Nef D Fous. « C’est comme si tu allais dans un resto étoilé, mais sans savoir ce que tu vas y manger ! » Le rendez-vous breton qui se tient dans le port de Binic, dans les Côtes d’Armor, a justement fait sa réputation sur cette affiche qui décline en trois jours tous les sous-genres du rock : garage, punk, blues, folk, glam…

Né il y a quinze comme le “off” d’un festival de blues, il a vu sa réputation grandir. Après avoir été annulé en 2020 en raison du Covid et remplacé durant deux ans par un autre événement, « La super cathédrale », ce n’est que cette année qu’il revient sous une forme plus normale. Deux scènes au lieu de trois, un budget approchant les 450 000 €, le festival a cependant réduit la voilure. Au programme, on retrouve l’australienne Cash Savage et ses Last Drinks, le crooner Jack Ladder, dont la musique évoque les années 1980, l’américain GYASI, qui ressuscite le fantôme de T-Rex, ou alors l’électro-punk des bretons de Guadal Tejaz.

« LA MECQUE DES MUSICIENS AUSTRALIENS »

Le petit port posé dans la baie de Saint-Brieuc est devenu un passage obligé pour les musiciens australiens qui viennent jouer en France. Sur vingt-quatre artistes programmés, pas moins de dix viennent de ce pays. Un tropisme lié au partenariat avec le label rennais, Beast Records, qui a célébré ses 20 ans cette année. « Le catalogue de Beast Records compte pratiquement deux tiers d’artistes australiens. Ils font du rock comme personne d’autre n’est capable de le faire. On dit que Melbourne est aujourd’hui la capitale du rock dans le monde, avec plus de 50 clubs où ça joue tous les soirs. Depuis cinq ou six ans, il y a une effervescence qui ferait pâlir les villes américaines », explique Ludovic Lorre.

Mais comment concilier ces découvertes de l’autre bout du monde avec le « développement durable » ? Et limiter un peu l’impact écologique de ces tournées ? « On ne fait pas venir les mecs juste pour un concert de 45 minutes et les remettre dans l’avion ensuite, répond Ludovic Lorre. Les artistes viennent pour trois, quatre, ou cinq jours. Il y a les trois jours de festival, et deux ou trois dates dans toute la région. On essaie de tisser un réseau de cafés concerts et de petites salles en Bretagne, afin de pouvoir faire vivre des lieux et accueillir des artistes que les gens n’auraient pas vu autrement. »

UN ESPRIT « DO IT YOURSELF »

À l’image de la scène rock garage, le festival cultive un esprit do it yourself. Il fait partie d’un réseau français et européen qui comprend des disquaires, des tourneurs et des labels indépendants. Il a noué des relations solides avec La Route du rock, à Saint-Malo, dont il est un peu un petit frère, et son accueil est sans chichis. « Que ce soient des artistes confirmés ou des jeunes musiciens, tout le monde est logé à la même enseigne, assure Ludovic Lorre. Je dis toujours aux artistes : Il y aura 300, 400, 500 fans, mais les deux tiers du public ne connaît rien à ta musique. Donc, t’as un intérêt d’être bon ! » Les mecs se donnent à fond. C’est ce qui crée chaque année cette effervescence ! »

Payant cette année, le festival est longtemps resté gratuit. « Pendant des années, on nous a souvent reproché cette gratuité. On nous disait qu’on ne pouvait pas continuer comme ça ! C’est vrai qu’en 2019, notre gratuité commençait à nous coûter une blinde (sic) mais on a équilibré les 750 000 € de budget à 40 000 € près. On a la chance de compter sur un public qui s’est passé le mot », explique Ludovic Lorre. Dans un contexte d’inflation des coûts d’organisation et du prix des entrées, le Binic Folks-Blues Festival continue de pratiquer un tarif très accessible : 10 € le pass une journée, 25 € le pass trois jours. S’il reçoit l’aide aux festivals de la Sacem, il reste subventionné à hauteur de 10%, tirant principalement ses ressources de la buvette, du merchandising, et d’un réseau d’entrepreneurs locaux.

Ancien patron de bar rangé des guitares, Ludovic Lorre affirme que Binic est devenu au fil des années « la petite Venise du rock indépendant ». Comme la ville italienne, ce qui fait le charme du port armoricain est d’avoir les pieds dans l’eau et la tête dans les étoiles.

Publié le 10 juillet 2023