Depuis presque dix ans, « Les Allumeurs de rêve », basés à Lyon, mettent en lumière des bâtiments et des espaces intérieurs ou extérieurs pour mieux en souligner l’histoire ou l’architecture. Des spectacles illuminés et sonores au service du patrimoine qui séduisent bien au-delà de la région Auvergne-Rhône Alpes.
« La saison hivernale est bouclée, on est en train de démonter », explique, en cette mi-janvier, Gilbert Coudène, le fondateur et directeur artistique des Allumeurs de rêves, l’équipe qui a « illuminé » la basilique Fourvière, le monument emblématique de Lyon, tous les soirs pendant un mois, du 2 décembre au 2 janvier.
Visibles depuis toute la ville, les faisceaux lumineux projetés depuis l’édifice ont attiré, chaque soir, des milliers de curieux en haut de la colline Fourvière. Là, sur le parvis de la basilique, ils en ont pris plein les yeux et les oreilles pendant 20 minutes lors d’un « son et lumière » qui a vu la façade de l’édifice se colorer et s’animer au fil de cinq grands tableaux dépeignant la découverte des vestiges de la cité gallo-romaine de Lugdunum, la naissance de la Fête des Lumières ou encore la construction de la basilique, en 1872, en remerciement de la non invasion de la ville par l’armée prussienne.

Spectacle Basilique et la Chapelle de Fourvière © Nad Alcaraz
« Le désir est de retrouver le patrimoine »
Quels talents ont été réunis pour monter un tel spectacle ? « On est tous issus du dessin et de la peinture, beaucoup dans l’équipe sont diplômés de l’école d’art Emile Cohl basée à Lyon », explique Gilbert Coudène en évoquant l’équipe d’une trentaine de personnes qui a travaillé sur le projet dans les ateliers de BK, à Oullins, dans la métropole de Lyon. Une équipe d’« artisans » à la pointe des dernières avancées en matière d’animation dessinée et de mapping vidéo qui, pour travailler, a mené des recherches historiques et conçu, pour l’aspect technique, une maquette grand format du site, à l’échelle 1,50 mètre.
« Nous créons des spectacles avec des scenarios où le désir est de retrouver le patrimoine. On met, par exemple, en avant des ornementations, des spécificités architecturales », souligne Gilbert Coudène. Le spectacle de Fourvière a nécessité deux-trois mois de travail préparatif dont quatre soirées d’essai sur site pour caler au millimètre les éclairages et les rapports de couleur. « Sur place, on découvre toujours des éléments », relève-t-il alors que les Allumeurs ont dû composer certains soirs avec le brouillard ou la neige. Il y a eu aussi ce réajustement imprévu où il a fallu tout réencoder entre deux soirées.
« La musique est liée à l’histoire que l’on veut raconter »
Quelle place a la musique dans un tel spectacle ? « La musique est fondamentale : elle met en condition l’oreille et le corps du spectateur et le met en alerte forte », fait valoir Gilbert Coudène. Pour le spectacle de Fourvière, une musique a été également spécialement composée par Paul Lecomte et Yohann Bizeul et ensuite enregistrée par des musiciens de l’Opéra de Lyon, de l’Orchestre National de Lyon, du Quatuor Debussy et par les chanteurs du Chœur d’Oratorio de Lyon. Gilbert Coudène y tient : « On prend des interprètes d’ici ». La clé ? « Que la musique et le dessin se marient. La musique est liée à l’histoire que l’on veut raconter ».
Le spectacle gratuit de Fourvière a été financé par la Région Auvergne Rhône Alpes et s’inscrit dans un projet plus vaste intitulé « La Région des Lumières » : 21 sites de la région vont ainsi être mis en valeur par les Allumeurs de rêves dans les mois et années qui viennent. A la saison estivale, par exemple, ce sera dans le département de l’Allier et l’agglomération du Velay.
Un projet d’envergure qui ne fait pas peur à Gilbert Coudène et à ses Allumeurs. Il faut dire que l’expérience est là : son premier spectacle en vidéo mapping remonte à la Fête des lumières de 2013. Il avait alors animé les personnages de la célèbre fresque des Lyonnais… réalisée vingt ans auparavant par sa coopérative de peintres muralistes, CitéCréation. Le spectacle « Dessine-moi… des lumières » remportera le Trophée des Lumières cette année-là. Les Allumeurs de rêves verront le jour dans la foulée. Comme les peintures urbaines de CitéCréation ont essaimées dans une vingtaine de pays, les spectacles des Allumeurs de rêves ont déjà illuminé le Parlement hongrois à Bucarest, la Villa Médicis à Rome…
Alcyone Wemaëre
Publié le 21 janvier 2022