Les Artefact à Strasbourg : pour que résonnent les concerts

Depuis 1994, les Artefact font battre le cœur du quartier de la Laiterie, à Strasbourg, aux sons des musiques actuelles. Concerts, accompagnement d’artistes, traversée de la crise sanitaire : Thierry Danet, le directeur du lieu nous explique.

Les Artefact ? « C’est une équipe, un projet, un lieu », résume Thierry Danet. Dès le départ, l’histoire est particulière. « Singulière » même, précise le directeur d’Artefact et de la Laiterie.
C’est l’histoire de quatre potes, Christian Wallior, Patrick Schneider, Nathalie Fritz et Thierry Danet qui se rencontrent en 1992. Vingt-huit ans plus tard, le quatuor - Christian Wallior s’est mis en retrait - fait toujours vivre l’esprit des débuts et cette furieuse envie : organiser des concerts. En 1989, la municipalité dirigée par Catherine Trautmann lance un appel à projets pour la reconversion du site de l’ancienne Laiterie centrale. Les quatre amis montent l’association Artefact-PRL et obtiennent la gestion de la partie des lieux dédiés aux « musiques actuelles ». « Notre projet tenait en quelques éléments », se souvient Thierry Danet. « Le premier, ça paraît bête comme chou, était de faire des concerts des musiques actuelles car à l’époque il y avait très peu d’occasions de pouvoir en organiser à Strasbourg », poursuit-il.

Il y a un mot qui revient souvent dans les mots de Thierry Danet : « articuler ». Comme si tous les projets, les idées, les événements étaient les membres d’un corps artistique dont les Artefact assurent le lien, l’articulation. « Nous avons articulé notre idée de faire des concerts avec l’idée de faire exister les musiques actuelles, de faire en sorte que ces cultures underground aient pignon sur rue, au même titre que des cultures plus alternatives. Prendre le risque d’articuler cela avec ce qui existait déjà dans le champ culturel », détaille celui qui a débarqué à Strasbourg à l’âge de 15 ans.
Dans le dictionnaire, on trouve une définition latine pour traduire Artefact : artis facta. Comprendre, les effets de l’art. « On a choisi le grand format, le grand public, des lieux qui soient ouverts sur la ville », explique Thierry Danet. « On savait qu’on allait devoir intégrer le système des politiques publiques, des politiques locales, le système du spectacle aussi à notre projet. Nous sommes un artefact dont le cœur de projet passe par le concert. Et pour nous en 2022, la Laiterie, n’est pas un lieu de diffusion, mais bien une salle de concert ».

© Philippe Grollier

« Rester Artefact, quoiqu’il arrive… »

Depuis son ouverture en octobre 1994, la Laiterie est ouverte tous les soirs. Un lieu culturel riche en activité en plein cœur d’un quartier populaire, proche de la gare. C’était l’ambition de la nouvelle municipalité de gauche en 1989, que de donner une nouvelle vie à la friche industrielle laitière coincée en plein cœur de la ville, et bordée par l’A35 qui mène vers Paris.
La salle de concert est divisée en deux : la grande dispose d’une capacité de 870 places. La petite bénéficie quant à elle d’une jauge de 280 personnes. D’ici 2026, le bâtiment va être rénové et surtout, agrandi. « La salle a été construite à une époque où on n’avait pas de référence pour les concerts rock. Les lieux comparables aux nôtres ont une jauge à 1 500 places. Le marché du disque s’étant effondré, toute l’économie s’est reportée sur le spectacle. Et si on regarde notre modèle économique, la jauge était un énorme problème pour nous », analyse Thierry Danet. Autre singularité du lieu, la Laiterie s’auto-finance à 75% grâce à la billetterie et au bar. Autrement dit, par les dépenses des spectateurs. « C’est totalement hors-norme par rapport à ce qui existe ailleurs sur le territoire », admet Thierry Danet.

Et puis, le Covid s’est inséré, dans le rouage de cette belle machine aux près de 200 manifestations par saison. « On s’est trouvé une espèce de cap », raconte Thierry Danet. « J’avais cette phrase qui était « rester Artefact, quoi qu’il arrive ». Depuis 28 ans, notre programmation est très intense et cette raison-là était niée. Il fallait qu’on reste ce que nous sommes et cela s’est traduit par un travail de reprogrammation des concerts ». Certains jusqu’à six fois. Une situation « burlesque », se souvient le directeur.
Dans le même temps, les Artefact ont poursuivi l’accompagnement de la cinquantaine d’artistes accueillis via la Plateforme. Studios, travail de répétition, de production : un accompagnement au millimètre, la partie immergée de l’iceberg Artefact. « On accompagne les artistes dans la durée, on leur fait profiter de nos réseaux. Et pendant la crise sanitaire, on a fait le plus possible de journées de résidence, des projets d’accompagnement… c’était notre deuxième axe de travail » Thierry Danet craint que la scène soit encore difficile d’accès pour les artistes émergents dans les deux prochaines années.

Ophélie Gobinet

Publié le 21 janvier 2022