L’Occitanie est une terre d’orgues… Et Toulouse est l’écrin de ces instruments et de ce patrimoine, mis à l’honneur d’un festival renommé et d’une diversité d’activités.
« Il y a de l'orage dans l'air et pourtant/L'église Saint-Sernin illumine le soir/Une fleur de corail que le soleil arrose …» : on connaît le bel hommage rendu à sa ville natale, Toulouse, par Claude Nougaro.
On sait moins que la « ville rose » possède une magnifique collection d’orgues, dont celles de la basilique Saint-Sernin, joyau de l’art roman, où le célèbre facteur d’orgues Aristide Cavaillé-Coll, Occitan d’origine, a conçu un instrument composé de trois mille tuyaux aux mécanismes complexes et aux sonorités brillantes.

La ville des facteurs d’orgues
Créé en 1996, l’Association Toulouse Les Orgues organise chaque année en octobre un festival du même nom, « partie visible d’une action plus ample », selon son directeur artistique, le musicien Yves Rechsteiner. Si Toulouse figure désormais à la pointe des villes d’orgues en Europe, c’est sans doute qu’elle a abrité les activités de facteurs réputés, notamment la famille Puget ou Poirier-Lieberknecht. Et parmi les quatre-vingt facteurs d’orgues exerçant en France actuellement, une dizaine d’entre eux sont installés à Toulouse.
Pour expliquer cette vivacité, Yves Rechsteiner cite l’action de Xavier Darasse (1934-1992), organiste et compositeur toulousain, qui porta la « renaissance des orgues » en décloisonnant le genre. Ce contexte a permis à Toulouse de veiller à son patrimoine. Vingt-et-un orgues sont propriété de la Ville, les autres appartiennent à des paroisses privées ou à l’État, une douzaine étant classée aux monuments historiques.
En 2021, la vingt-sixième édition du festival Toulouse Les Orgues créé par deux musiciens, Michel Bouvard et Jan-Willem Jansen, a fêté deux orgues « relevés » (restaurés), l’un signé Puget, l’autre Poirier-Lieberknecht.
Concours international, initiatives jeune public, partenariat avec les établissements supérieurs de musique … : Toulouse les Orgues, installée dans l’église du Gesù de Toulouse, joue la carte du partenariat, de la continuité et de la diversité. Lieu de croisements, Toulouse les Orgues a reçu en 2021 Les Chanteurs d’Oiseaux, Jean Boucault et Johnny Rasse, imitateurs parfaits du chant des oiseaux, pour un concert en compagnie de l’organiste Catalina Vicens et du flûtiste Pierre Hamon.
Le caractère « désacralisé » de l’église du Gesù, construite en 1860 par les Jésuites, partis depuis, offre la possibilité de profiter pleinement de la liberté du répertoire de l’orgue, si vaste qu’il embrasse autant la musique médiévale que la musique contemporaine sous toutes ses formes. « Il se peut que certains styles musicaux ne conviennent pas à l’instrument, mais aussi qu’un répertoire déplaise aux responsables religieux ». Ainsi, l’organiste suédoise Anna Von Hausswolff, objet de polémiques en 2021, devrait-elle y jouer en 2022, après un premier passage à Toulouse les Orgues en 2016, sans encombre.
Etudiants, osez l’orgue !
Yves Rechsteiner, par ailleurs professeur au Conservatoire national supérieur de Lyon, n’imagine pas l’orgue refermé dans le champ du sacré. Arrangeur et transcripteur pour l’orgue (Berlioz, Beethoven, Litz, Rameau), il pratique également le rock progressif. Il a dessiné l’Explorateur, un orgue itinérant dont la construction sera achevée en 2022. « Sept cents tuyaux, une quinzaine de tonnes, seize modules qui se démontent et se remontent comme un Lego, qui va nous permettre de jouer ailleurs que dans les églises, dans les théâtres, en plein air, d’aller à la rencontre de nouveaux publics ».
L’Explorateur sera, en 2022, le troisième instrument du genre. « En 2021, disposant de ce type d’instrument, Toulouse les Orgues a pu présenter Passion Piazzolla, un récital consacré au compositeur argentin et joué par l’organiste Thierry Escaich en duo avec l’accordéoniste Lionel Suarez, au Théâtre des Mazades », explique Yves Rechsteiner, qui a présenté Bach Metamorphosis, transcription pour orgue des sonates et partitas de Bach pour violon seul en compagnie de la contorsionniste Lise Pauton. Le spectacle a été donné à la cathédrale Saint-Etienne, dont l’orgue neuf a été installé dans un buffet du début du 17e siècle, suspendu de manière spectaculaire « en nid d’hirondelle ».
« Nous sommes un festival ancré sur l’orgue à tuyaux, mais nous allons vers d’autres horizons, notamment vers les musiques électroniques. Nous accueillons donc de jeunes musiciens à qui nous offrons la possibilité d’utiliser les orgues à tuyaux dont ils nourriront ensuite leur composition », poursuit le directeur artistique. Sur Facebook, l’audacieux festival toulousain a développé une play-list intitulée « Etudiants, osez l’orgue ! », où l’on trouvera le son de l’orgue électronique du Nigérien Mammane Sani, les effets de style de Björk ou d’Interstellar. De quoi susciter tous les appétits…
Véronique Mortaigne
Publié le 24 janvier 2022