Musicalarue, un festival, mais pas que...

28-29 juillet

Un village du cœur des Landes marie depuis plus de trente ans les arts de la rue et la musique sous toutes ses formes, de M au Jeune Orchestre Symphonique de l’Entre-Deux Mer (Josem). Musicalarue, qui se déroule le dernier week-end de juillet (les 28, 29 et 30 juillet prochain), a permis l’ouverture d’une salle de concerts, Les Cigales, et la mise en place d’actions à l’année.

 

Luxey. 700 habitants à l’année, 45 000 festivaliers le dernier week-end de juillet, sans heurts, ni malheurs grâce au passage d’un événement culturel qui depuis plus de trente ans attise les foules et les curieux : Musicalarue. Ancré dans la forêt des Landes et mû par un appétit gourmet, ce festival majeur de la saison n’a jamais renoncé à ses bases.

L’ESPRIT DES SIXTIES

Tout commence en 1968, quand un petit comité de jeunes un peu « gauchistes », c’est-à-dire aimant le partage des humanités, établit un rituel en animant une sorte de fête de village, qui emprunte autant à l’esprit du carnaval qu’à celui des spectacles de rue, manèges et rêves festifs.
L’habitude se fixe peu à peu, et en 1990, les structures qui portent le festival aujourd’hui sont alors montées, « mais rien n’est plaqué, puisque le festival a des racines très solides, selon le directeur de Musicalarue et président de l’association du même nom, François Garrain. C’est un projet culturel qui se joue dans la convivialité, en famille, toutes générations confondues », adressé à tous ceux qui ont un jour décidé d’occuper la rue, de se déguiser, de boire et de manger « comme dans les meilleures fêtes du Sud-Ouest ».

Au fil des ans, Musicalarue a accueilli des vedettes internationales et pris de l’ampleur, mais n’a jamais marché sur les traces incertaines de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf. Ainsi, parvenu à son apogée en 2019, avec un pic de fréquentation à 60 000 spectateurs, le festival a opté cette année pour une forme de décroissance – relative, car avec 60 groupes et artistes invités, 3,3 millions de budget, dix salariés, et des bénévoles en pagaille, le festival landais joue dans la cour des grands.

UN FESTIVAL INSOLITE CENTREE AUTOUR DE LA COMMUNE DE LUXEY

Luxey est une commune rurale, plantée à 45 minutes de Mont-de-Marsan et une heure de l’agglomération bordelaise. En pleine forêt des Landes, Luxey n’est pas encombrée par les communes voisines. Une fois le festival ouvert, le village se ferme pour ne garder que les arts de la rue et de la musique, qui l’occupent entièrement, créant une sorte de bulle où le temps s’allonge à sa guise.

Musicalarue, c’est un drôle de mélange, des arts de la rue, des stars de la chanson (cette année, Hubert-Félix Thiéfaine, Michel Polnareff, M, Jain, Benjamin Biolay), des musiques du monde (Tinariwen), des émergents (La Femme), des inconnus, des habitués. Le tout présenté sur trois jours, de 15 heures à six heures du matin, « une amplitude horaire quand même peu courante », selon M. Garrain, qui cite le sociologue Edgar Morin (« L'arrivée d'un imprévisible était prévisible, mais pas sa nature »),  pour mettre en lumière le cheminement de Musicalarue : « Au départ, nous étions des mômes qui écoutions du rythm’n blues sur un petit phono, du Joe Cocker ou du Patti Smith, et puis tout à coup, des années plus tard, ils étaient là, en vrai, sous les pins, à côté ». Miracle.

Pour prolonger, et nourrir, la période festivalière, Musicalarue a créé en 2007 Le Plateau, un évènement gratuit et ouvert, « une mise en bouche », selon François Garrain. Tous les ans début mai, Le Plateau présente une trentaine de groupes émergents, sur quatre scènes musicales et dans un espace arts de la rue. Le Plateau est accompagné par La Loupe, qui rassemble trente-quatre structures de la Nouvelle Aquitaine : des associations, des espaces culturels, des festivals…, souvent ruraux.

En 2015, se construit à Luxey une salle de spectacle, Les Cigales, 250 places en configuration assise, 600 debout. Musicalarue, le festival, soigne ses retombées, programme Les Cigales, mène des actions à l’année, soutenues par la Sacem : projets avec les écoles, résidences d’artistes, et autres initiatives touchant à la transmission, à la création, au partage par la scène.

DE SPECTATEUR À ACTEUR

Fidèle parmi les fidèles, compte le musicien Nicolas Lescombe. Venu pour la première fois à Luxey il y a trente ans, « à l’âge de seize ans », il y est invité sept ans plus tard après être devenu le chef d’orchestre du Josem (Jeune Orchestre Symphonique de l’Entre-Deux Mer), un orchestre-école de jeunes musiciens fondé à Créon (Gironde) en 1988. « Musicalarue m’a toujours fait confiance, le festival a souvent offert des cartes blanches à notre orchestre ». Et a permis des rencontres fructueuses, comme celle du Josem et du groupe La Rue Ketanou.

« J’ai tourné avec Trois Cafés Gourmands un peu partout et j’ai pu comparer, poursuit Nicolas Lescombe. Musicalarue a su créer une fidélité indéfectible des musiciens, des habitants et du public, en mélangeant les genres, les artistes débutants, les émergents, les vedettes. ». Depuis 2006, Musicalarue organise des concerts à domicile, chez l’habitant, conviviaux, gourmands. « Il y a vingt-trois ans, nous avions été hébergés chez une dame qui préférait la chasse à la palombe au festival, se souvient Nicolas Lescombe. Petit à petit, grâce à ce dispositif, elle ne rate aucun concert, elle est devenue fan de Musicalarue, et notre amie ».

Nicolas Lescombe sera en 2023 à Luxey, non plus avec le Josem, mais avec son duo, Sans Additif, une autre casquette, celle de la chanson à chanter ensemble, délivrée « comme dans les Cercles de Gascogne, des évènements artistiques, philosophiques, musicaux », des projets de terroir, organisés par les cafés de village.

Publié le 10 juillet 2023