Le Stendhal, institution de la nuit brestoise, fête ses 90 ans

C’est un lieu emblématique de la nuit à Brest. La discothèque le Stendhal célèbre ses 90 ans. A cette occasion, son patron, Pascal Artero, remonte le fil de son histoire et situe les enjeux pour ces lieux de fête, à peine remis de la crise Covid.

Ce vendredi 9 décembre, le Stendhal célébrera son 90ème anniversaire par un cocktail dinatoire avec orchestre. Puis, la soirée se poursuivra par un programme plus habituel jusque tard dans la nuit. Il s’agit pour le propriétaire de la discothèque de la rue Colbert, Pascal Artero, de « marquer le coup » et d’honorer son oncle, Georges Guégen.  Agé de 93 ans, Georges a longtemps été le patron de l’établissement avec sa sœur, Josiane, la mère de Pascal. C’est que le Stendhal est sans doute la seule discothèque de France à appartenir à la même famille depuis tant de temps.

UNE HISTOIRE DE LA FÊTE

 

L’histoire commence en 1919 avec l’Ermitage. En 1932, Joseph Guégen le grand-père, en fait l’acquisition. « A l’origine, c’était un dancing, un lieu dansant avec orchestre », rembobine Pascal Artero.

En 1944, les bombardements américains rasent la quasi-totalité de la ville et l’Ermitage n’est malheureusement pas épargné. Il faudra attendre l’année 1952 pour que le dancing ouvre de nouveau ses portes. En 1971, l’établissement s’adapte à l’époque et se mue en discothèque. Ce changement de direction s’accompagne d’un changement de nom, l’Ermitage devient Le Memphis. L’année 1981 marque la transformation finale, le Memphis laisse place au Stendhal.

« Dans les années 80, la discothèque se trouvait au sous-sol tandis qu’à l’étage on avait repris ce que l’on faisait avant l’époque du Memphis. :  de la musique de bal populaire avec orchestre », précise Pascal Artero.

DEUX SALLES, DEUX AMBIANCES. LES MUTATIONS DU MONDE DE LA NUIT

 

La discothèque, qui doit son nom à ses murs et son mobilier rouge et noir, compte aujourd’hui deux salles. Le sous-sol est réservé à une ambiance années 1980, 1990 et 2000 et la salle du haut à une musique plus « généraliste » et « populaire ». La discothèque a longtemps été gérée par René Guégen, le fils de Georges, et Pascal, le fils de Josiane. Les deux cousins ont accompagné les mutations de la fête et vu les changements dans les mœurs de la clientèle. « Les métiers de la nuit ont beaucoup évolué. Il y a trente ans, il n’y avait qu’une seule séance de cinéma par jour, il n’y avait pas internet, ni de téléphone portable. Les discothèques étaient les seuls lieux de rencontres et de loisirs qui existaient », résume Pascal Artero.

Aujourd’hui, le Stendhal ne propose plus de slows. La boîte de nuit n’est plus ouverte sept jours sur sept comme dans les grandes heures des années 80, mais seulement en soirée, les jeudis, vendredis, samedis et veilles de jours fériés. Si, par le passé, les équipes travaillaient à temps plein, la boîte fonctionne désormais avec une quinzaine d’employés à temps partiel. Le Stendhal affiche un chiffre d’affaires d’1,5 million d’euros par an, mais il faut rapporter cette situation à celle des discothèques françaises. Au plus fort de la fête, on comptait plus de 4 000 discothèques dans tout l’Hexagone. En 2020, elles n’étaient plus que 1 600 et les ravages de la crise Covid ont mis en difficulté plus de 300 établissements*. La reprise de l’activité est lente. Les fermetures sanitaires en 2020 et 2021 ont engendré une « rupture générationnelle » chez les plus jeunes.

UNE PARTICULARITE FINISTERIENNE

La fête est-elle complètement finie pour le Stendhal ? « Je ne dirais pas qu’elle est finie, mais elle évolue. On a une chance dans le Finistère, c’est qu'il y a moins de bars de nuit qu’ailleurs. Dans le département, on trouve environ 50 discothèques, alors que dans les départements voisins, il y en a seulement 5 ou 10. Les bars de nuits y ont remplacé les discothèques. », constate Pascal Artero. Pour lui, le métier est devenu « plus compliqué » et il reste mal connu de la sphère politique. Les mesures de prévention se sont multipliées et elles ont quelque peu entamé l’insouciance de la fête. Le patron de trois discothèques à Brest regrette aussi que les banques ne prêtent plus d’argent, ni pour une reprise d’établissement, ni pour financer des travaux.

A 63 ans, Pascal Artero n’est pas encore près de prendre sa retraite. Son petit cousin, Kévin Guégen, le fils de René, travaille déjà dans l’entreprise familiale. Il pourrait bien reprendre l’affaire et faire que le Stendhal atteigne les 100 ans dans le giron de la famille Guégen. 

*Données du Syndicat national des discothèques et lieux de loisir (SNDLL)

Bastien Brun

Publié le 09 décembre 2022